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Mines: Le Kivu transformé en Far west

(Le Potentiel 24/11/2010) 

L’interdiction de toute forme d’exploitation artisanale des mines dans l’Est de la RDC n’a pas produit les effets escomptés. En l’absence de l’autorité de l’Etat, le Kivu est transformé en Far West. L’espoir d’une paix durable est attendu de Lusaka où se réuniront, mi-décembre, les chefs d’Etat signataires du pacte pour la paix, la sécurité et le développement dans la région des Grands lacs. A Kinshasa, la Société civile a balisé le chemin.
L’annulation de la rencontre prévue à Kinshasa, courant novembre, entre les chefs d’Etat de la région des Grands lacs n’a pas empêché les acteurs de la Société civile de se pencher, du 11 au 13 novembre 2010 à l’hôtel Memling de Kinshasa, sur cette épineuse question de l’exploitation illégale des ressources naturelles de la sous-région. D’autant qu’elle fragilise particulièrement la partie Est de la RDC. 

Aux dernières nouvelles, la réunion au sommet des chefs d’Etat signataires du pacte pour la paix, la stabilité et le développement dans les Grands lacs est projetée à la mi-décembre à Lusaka en Zambie.

Le thème de la rencontre de Lusaka concerne au plus haut point la République démocratique du Congo, théâtre de violents affrontements pour le contrôle des mines de trois provinces formant l’ex-province du Kivu (Maniema, Sud-Kivu et Nord-Kivu). Malgré la mesure d’interdiction de toute exploitation artisanale des minerais dans la partie Est de la RDC, le problème n’a pas été résolu. 

Bien au contraire, ces provinces sont précipitées dans un trou, les livrant à l’exploitation – plus que jamais clandestine – des mines de l’Etat. D’aucuns ont allégué que la mesure d’interdiction a créé des effets contraires en renforçant la prédation, dans un contexte d’absence quasi-totale de l’autorité politico-administrative. 

Croyant assainir le secteur, Kinshasa a plongé les provinces de l’Est dans le chaos, les transformant en Far west. Des groupes armés étrangers et nationaux, de même que des autorités nationales et provinciales sont indexés dans l’existence de ce « no man’s land » où seule la loi du plus fort – pire, le fusil – a droit de cité. 

UNE INTERPELLATION

Du 11 au 12 nombre 2010 à Kinshasa, les délégués de la Société civile de 11 pays constituant la Conférence internationale des pays de la région des Grands Lacs (CIRGL) ont réfléchi sur la manière d’éradiquer l’exploitation illégale des ressources naturelles. 

Organisée par l’Observatoire des ressources naturelles en Afrique australe (SARW), avec l’appui de la Fondation de l’Afrique australe pour une Société civile ouverte (OSISA), la rencontre de Kinshasa a voulu planter le décor pour des résolutions contraignantes à adopter lors du prochain sommet des chefs d’Etat de la région prévu en décembre à Lusaka, en Zambie. 

La vérité est que dans les provinces de l’ex-Kivu, les dégâts d’une exploitation illicite et incontrôlée des ressources naturelles sont énormes. 

Didier de Failly, directeur du Bureau d’études scientifiques et techniques, basé à Bukavu, a présenté, en marge de ces travaux, un exposé qui décrit tout le drame qui s’abat sur le Kivu. Il n’a pas manqué de déplorer les limites et les dommages collatéraux de la mesure d’interdiction des ressources naturelles dans cette partie de la République. Le mal est si profond, pense-t-il, qu’une solution superficielle sans fondement réel s’avère inefficace pour mettre fin au désastre de l’Est. 

Aussi écrit-il, « la récente mesure présidentielle de suspension des activités minières artisanales a révélé diverses choses ». D’entrée de jeu, il fait remarquer que la situation est très différente d’une contrée minière à l’autre. « En de nombreux endroits, les militaires sont eux-mêmes entrés dans les puits et galeries après en avoir chassé les creuseurs (il y a même déjà eu des soldats morts sous des effondrements car ce n’est pas leur métier et ils ne prennent pas les précautions nécessaires !), note-t-il, avant de poursuivre que « Dans d’autres endroits, ils contraignent les villageois à creuser pour eux, souvent de nuit (mais dans les puits et galeries, il faut de toutes les façons travailler avec des lampes frontales car il y fait sombre). Dans d’autres endroits encore, les gens ont continué leur travail habituel, après s’être arrangé avec les militaires ». 

Cet enquêteur démontre que « Contrairement à ce que l’on pensait souvent, il est peu probable que les négociants reçoivent de l’argent de la part des comptoirs d’achat, qui les préfinanceraient, mais c’est probablement un risque que les comptoirs d’achat ne souhaitent pas prendre et qui n’est d’ailleurs pas nécessaire car, ces négociants s’adressent plutôt aux coopératives de crédit, qui prennent en garantie les hypothèques de leurs maisons. Cette mesure de suspension les accule à rembourser ces prêts alors qu’ils n’ont pas pu négocier des minerais et en tirer bénéfice ». 

Cette description indique que la situation est catastrophique sinon confuse. Didier de Failly relève que « les quelques comptoirs d’achat à Bukavu et Goma sont les opérateurs les plus visibles et les plus facilement contrôlables, et donc sanctionnables, dans la filière : ils ont observé strictement les mesures récentes ; ils ont stoppé les achats, ce qui a gelé toute la filière ». 

Selon lui, cette attitude contribue à la prolifération d’acteurs de l’informel dans les mines de l’Est, s’étant résolus à évoluer dans la clandestinité pour se soustraire aux répressions des autorités de la place. 

Plus loin, cet observateur indépendant note que « des officiers militaires ont fait du bruit, tant au Kivu qu’à Kinshasa, parce que cette mesure les a privés de ressources. Plusieurs « afande » (commandants) ex-CNDP ont tout simplement opté pour la contrebande, par exemple à travers le lac Kivu ». 

C’est que le désordre est érigé en système. Didier de Failly conclut par une anecdote : « En tous les cas, au Sud-Kivu, quand un officier FARDC chargé des relations publiques se risque encore à déclarer dans une réunion que tout militaire qui sera attrapé avec un colis de minerais sera présenté à la justice militaire (je cite), ses auditeurs de la Société civile éclatent de rire ! ». 

Dès lors que la population n’a plus confiance en ceux qui ont la charge d’assurer l’ordre public, c’est le Far west qui s’installe. Officiellement suspendue, l’activité minière dans l’ex-Kivu se poursuit, voire s’intensifie. 

Comment peut-on espérer, dans ces conditions, stabiliser durablement l’Est de la RDC ? International Crisis Group a appelé à une relecture des conflits de l’Est en vue d’une nouvelle thérapie, fondée sur une implication plus active des pays signataires du pacte pour la paix, la sécurité et le développement de la région des Grands lacs. 

C’est le défi que doit relever le sommet de Lusaka : aboutir à des engagements concrets et contraignants pour chaque Etat membre de la CIRGL.

Stichting Lisanga Congolees Steunpunt | info@lisanga.nl